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vendredi 23 août 2013

L'origine du bien et du mal



Une des idées les plus anciennes parmi les hommes et les plus universellement répandues , c’est que l’univers est soumis à l’action de deux principes opposés , l’un source de tout bien , l’autre auteur de tout le mal. Il n’y a pas un peuple connu dans les quatre parties du monde, où l’on, ne trouve cette théologie. C’est ce que le citoyen Dupuis prouve par une foule d'autorités , et ce qu’il aurait pu montrer être une suite nécessaire de la marche de l’esprit humain.

Tous s’accordent encore à faire le principe du bien supérieur à celui du mal , et beaucoup ajoutent qu’il doit le détruire un jour, et qu’alors les hommes seront heureux. Voilà le texte du dogme de la vie à venir. Enfin tous font le prin- cipe du bien , souverain dans le ciel et dans les astres, et le principe du mal régnant dans la matière sublunaire qu’il trouble , et dans les profondeurs de la terre.

Cela rapproche bien cette idée des deux principes , de celle de deux causes active et passive : elle est la même un peu spiritualisée. Les domaines des deux principes sont pareils à ceux des deux causes ; leurs limites sont exactement les mêmes ; car c’est encore la sphère de la lune qui fait la ligne de démarcation. Aussi les anciens ont-ils placé les âmes heureuses remontant vers le principe du bien dans la partie de la lune qui nous est opposée : c’est là leur paradis.

Enfin ces domaines assignés à la cause active et au principe du bien d'une part, et à la cause passive et au principe du mal d’une autre, nous prouvent que ces deux théories dérivent également de l’amour des hommes pour la lumière , et de leur horreur pour les ténèbres ; et que c’est leurs appositions et leurs alternatives qu’ils ont voulu expliquer , décrire et célébrer : car où est le siège de la lumière? n’est-ce pas dans le ciel et dans les astres qui paraissent lumineux par essence ? et où est le siége des ténèbres , si ce n'est dans la terre , dans la matière opaque , dont le propre est de projeter des ombres et de produire l’obscurité quand elle intercepte l’action des astres.

Aussi partout Orsmusd, Mithra, Osiris, Jupiter, Apollon , le Soleil, en un mot le principe du bien, est appelé le roi du ciel , la source de toute lumière, le principe lumineux ; et Ahriman , Pethiaré , Tiphon , Pluton , le principe du mal, son ennemi , est l’enfant de la terre , le roi de l’enfer, des lieux bas et sombres , le prince des ténèbres. C’est lui qui trouble et détruit tout ce que le principe lumineux organise et produit. Toutes les cosmogonies portent sur cette hypothèse.

La théologie des anciens mages parait à cet égard être le type originel de toutes celles que nous connaissons. Nous la trouvons dans le Boundesch et le Zendavesta. Inventée dans les climats du nord de la Perse et de l’Arménie , elle est exactement calquée sur les aspects du soleil et sur ses effets dans nos climats septentrionaux. Ils partagent le temps en douze milles, dont six sorties milles d’Oromaze, et six, ceux d'Ahriman. Ils disent que le mal entre dans le monde au septième mille sous le scorpion ; que les six milles de Dieu sont l’agneau , le taureau , les gémeaux , le cancer, le lion, et l'épi ou la Vierge; et que sous la balance , Ahriman parut dans le monde. Il est donc clair que les six dieux amis d’Oromaze sont les signes d’étê, et ceux d’Ahriman sont ceux d’hiver ; que leur autre division de quarante-huit dieux, dont vingt-quatre combattent sous un chef, et vingt-quatre sous l’autre, et toujours mêlés avec des astres, est une distinction des quarante-huit constellations ; que l’œuf d'Oromaze percé par Ahriman est le monde partagé en deux hémisphères, l'un lumineux, l'autre ténébreux ; et qu'enfin tout cela se rapporte à la marche annuelle du soleil et au retour des saisons.

Ces remarques nous font voir pourquoi on a attribué aux astres du printemps et de l’été des influences bienfaisantes , et aux autres des influences pernicieuses : pourquoi toutes les formes et les attributs du principe lumineux sont tirés des premiers , et ceux du principe ténébreux sont des serpents, des scorpions ; enfin des astres d’hiver. Cela nous donne l’origine des guerres des dieux fils du Ciel, et des géans enfants de la Terre , des bons et des mauvais génies, des anges et des diables ; et cela nous donnera de même l'explication de la Genèse et de l’Apocalypse. Il n’est pas nécessaire de pousser plus loin ces observations ; elles suffisent pour nous montrer le pitoyable usage que les hommes ont fait de l'astronomie, et comment cette science nous donne la clef de toutes les énigmes sacrées : seulement disons encore un mot de l’âme du monde.

Nous avons déjà observé dans le préambule de cet écrit, qu’on a d’abord regardé le monde comme une vaste machine ; ensuite on a cru que ce grand être était animé et vivant ; et enfin, on s’est persuadé que cet immense animal avait une âme distincte de son corps.

La première opinion , la seule qui ne porte pas sur des suppositions hasardées, a dû produire des observations, et n’a pu donner lieu à aucun culte.

La seconde a fait naître le culte de l’univers et de ses parties , dont les unes composaient la cause active et mâle , ou le principe de la lumière et du bien ; et les autres, la cause passive et femelle , ou le principe des ténèbres et du mal.

La troisième hypothèse a peu changé le fond du culte et des fables. Seulement, au lieu de révérer les parties visibles des deux causes agissantes dans l’univers-dieu, on leur a attaché à chacune une portion de l’âme universelle du monde; et ce sont ces intelligences qui ont attiré tous les hommages. Du reste, elles ont eu absolument les mêmes caractères et les mêmes fonctions que les parties visibles qu’elles étaient censées régir ; et la connaissance des faits astronomiques et physiques nous suffira parfaitement pour expliquer leurs aventures , leurs attributs, leurs généalogies, enfin toutes les histoires allégoriques dont elles ont été le sujet.

Ainsi les principes que nous avons posés jusqu’à présent, nous donneront la clef de tout ce qui est relatif au monde animé et au monde des intelligences. Mais on ne s’en est pas tenu là. Ces intelligences étaient déjà des abstractions personnifiées. Par une nouvelle abstraction on a détachées des parties visibles qu’elles régissaient; on en a composé un monde intellectuel, qu’on a supposé être préexistant au monde réel, et en être le type originel. Alors il n’y a plus eu ni bornes, ni règles pour les chimères métaphysiques , et l’étude de la nature ne peut plus être un guide sûr dans ce dédale ; seulement nous apercevons de temps en temps dans ces rêves les traces des idées réelles qui y ont donné lieu.

Ce ne sont donc pas les fables récentes que le citoyen Dupuis se flatte d’expliquer dans tous leurs détails ; elles ont été composées par des hommes qui, ayant perdu le fil des anciennes idées, n’avaient conservé que des noms d'êtres fantastiques qui ne se liaient plus à l’ordre visible du monde. C’est le cas des Grecs depuis Hésiode , et des Romains à plus forte raison. Mais en portant la lumière dans les mythologies les plus anciennes , il en réfléchira un grand jour , sur celles qui n’en sont que des enfans dégénérés et estropiés par l’ignorance. Ici se termine l’exposé des notions astronomiques et philosophiques nécessaires à l’intelligence des fables anciennes, exposé qui est le sujet du second livre de l’Ouvrage dont nous rendons compte.

Maintenant nous allons donner un exemple de la manière heureuse dont notre auteur explique ces fables antiques ; et ce sera une grande preuve de la vérité des principes qu’il a posés : car la pierre de touche de toute théorie , est sans contredit d’essayer de la mettre en pratique.

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